CÉLINE
ET LES JOURNALISTES
A - I
* Jacques ABOUCAYA
(journaliste, écrivain, spécialiste d'Albert Paraz): "
Il n'est que temps de tordre le cou à la légende tenace qui le réduit à
n'être, au mieux, qu'un disciple du Docteur Destouches, au pire, un
"sous-Céline" que l'on ne saurait évaluer qu'à l'aune de son illustre
ami. Sans doute a-t-il lui-même contribué à cette vision singulièrement
réductrice en se plaçant délibérément dans l'orbe - et dans l'ombre - de
celui qu'il considérait, non sans raison, comme un géant de la
littérature universelle.
En réalité, la carrière littéraire d'Albert Paraz ne débute pas avec
leur rencontre et d'autres influences sont perceptibles qui ne doivent
rien à l'auteur du
Voyage. C'est vrai pour les idées, c'est vrai
surtout pour le style. Il suffit d'ouvrir n'importe quelle page de
n'importe quel livre, de Bitru
au Menuet du haricot pour se rendre compte que ni
le lexique, ni la syntaxe, ni le rythme ne rappellent, sinon par
accident, la prose célinienne. " (Paraz le rebelle, l'Age d'Homme,
2002).
*
[...] deux géants, Rabelais et Céline. L'un et l'autre
incomparables créateurs langagiers. L'un et l'autre,
conscients, grâce à leur expérience médicale, de la
fragilité de l'être humain. De ses limites, tant
physiques que psychologiques. Même constat, attitude
commune : non à la désespérance à la Sartre, mais le
rire. Tonitruant chez le premier. Bouffon. Outrancier,
voire paillard comme les farces de carabin. Plus crispé
chez Ferdinand, le " médecin des pauvres ". Avec
un arrière-fond d'amertume et une bonne dose de
sarcasme.
L'homme est une charogne, soit. Rien de bon à en
attendre. Cela n'exclut pas la compassion. Ni même la
tendresse. Elle court en filigrane, dans le Voyage,
dans
Mort à crédit. Il suffit de savoir lire.
Monstrueux, Céline ? Lucide, plutôt. Capable de porter
le bistouri dans la plaie. "
(Ecrivains médecins, C'est grave, docteur ?, Service
littéraire n° 71, février 2014).
*
Giano ACCAME
(journaliste et écrivain italien 1928-2009): " Dans le
grand dialogue entre les idées de notre temps Céline se
trouve souvent classé comme un
appendice
anarchique, libertaire et pacifiste, du fascisme, aile
plébéienne extrême d'une révolte contre l'acceptation
fataliste du sens de l'histoire. Lui, au contraire, a
toujours protesté de sa solitude et de son indépendance.
Il faut donc lui donner acte de ceci: qu'il n'y a pas eu
au monde de plus mauvais propagandiste. Il est difficile
de trouver une œuvre qui, comme la sienne, montre une
indifférence aussi totale aux exigences contingentes et
pratiques d'un parti quelconque. Son pessimisme et sa
tendance à l'exagération font de lui un écrivain
qu'aucun mouvement politique ne pourra jamais
raisonnablement utiliser.
Céline a écrit pour soi et pour les hommes, sans
rechercher d'intermédiaires: son cri d'alarme ne peut
servir à personne comme règle d'action organisée, parce
qu'il ne peut être pris à la lettre et parce qu'il n'y a
aucun parti qui soit disposé à donner sa carte à
Cassandre. Cependant on peut dire qu'il a survécu
vraiment dans la mesure où il n'a pas été utilisable et
c'est pourquoi il ne fut pas brûlé lors du tragique
bilan de 1945. Le jour où nous serons vraiment
contraints de constater qu'il n'y a plus rien à faire,
nous pourrons bien accompagner l'agonie de l'Europe avec
le grotesque viatique qu'il nous a laissé : " Que
notre gaîté s'éteigne et les dieux-mêmes seront
contrits...Las ! Les cieux seront lors plus
lourds...Nous voulons vivre sans connaître...Nous
voulons bien mourir de rire...le plus frivolement...si
possible..."
(Céline prophète de la décadence occidentale, L'Herne
n°3, 1963).
*
Georges ALTMAN (journaliste et résistant
communiste 1901-1960): " Copenhague, ce 27 octobre 1947,
/ Tu quoique
Altman ? Non ! Tu es trop, malgré
tout, grand seigneur, pour en arriver là...Tu es de ma
famille. Laisse aux merdeux morgans et autres crapules
triolettes ou cassoutes les tâches abjectes. Tu sais
parfaitement ce qu'il en est. Qu'il n'y a jamais eu
d'écrit qu'un seul roman communiste d'âme, le mien, en
Russie en France et ailleurs et vous traînez au cul
cette bande de mafrins pouilleux branlés ?
Pas un seul
capable de rédiger une affiche ! Ah Trotsky ne s'y était
pas trompé, ni Barbusse, ni toi ! Hystérie ? Alors renie
Flaubert ! Et cent autres ! Allons, entre nous, qu'on ne
te surprenne ! Je te serre les mains ! / L.-F. Céline. "
(Lettres 2009, p.972).
* Paul AMAR (journaliste): " Duel
sur la Cinq. Dans l'émission " Revu et corrigé
" de Paul AMAR. Excédant son rôle d'animateur
celui-ci prend à partie Eric Zemmour, auteur de Petit
frère (Ed. Denoël), dans lequel il entend dénoncer "
l'angélisme
antiraciste ", en s'inspirant d'un fait divers : le
meurtre d'un disc-jockey d'origine juive par un ami
d'enfance d'origine arabe. Présent sur le plateau
l'avocat de la famille de la victime reproche vivement à
Zemmour d'avoir sali la mémoire de celle-ci. L'auteur a
beau jeu de répondre que, s'il a pris ce drame comme
point de départ, ses personnages sont de pure fiction.
Il relève aussi que nombreux sont les écrivains qui se
sont basés sur un fait divers : Flaubert (Madame
Bovary), Balzac (Une ténébreuse affaire), Stendhal (Le
rouge et le noir), etc. Paul AMAR s'en prend
alors à l'écriture de Zemmour. Lequel a voulu reproduire
le langage de ce milieu... AMAR compare la "
violence " du style célinien à celle de l'écriture de
Zemmour qui réplique :
-... Mais Céline est un des plus grands
écrivains du XXe siècle, vous êtes flatteur !
- Un antisémite !... Ah ? Quand je cite Céline, je vous
flatte ? Bravo !, s'exclame AMAR.
A Zemmour indiquant qu'il ne faut pas confondre qualité
littéraire et idéologie, Paul AMAR répond que "
l'écriture révèle l'homme " et que, tant qu'à citer
des écrivains, Zemmour pourrait aussi mentionner Sartre
dont on se demande ce qu'il vient faire ici. Il est
clair que
Paul AMAR ne considère pas Céline comme un
écrivain véritable, l'étiquette " antisémite " prévalant
sur tout autre considération.
(Marc Laudelout, BC n°294, février 2008).
* Henri AMOUROUX
(journaliste, historien, romancier 1920-2007): "
François Mitterrand est assez bon historien pour savoir
que, sauf dans l'imaginaire, ces fractures - 1789, 1848,
1871, 1936 - n'avaient pas durablement amélioré " la vie
des gens sans moyens qui n'est qu'un long refus dans un
long délire. "
(Voyage au bout de la nuit).
(Nuancé ! Les Français jugent l'ère Mitterrand, Figaro
Magazine, 25 février 1995, dans L'Année Céline 1995).
*
Roger ASCOT (né Roger ASKOLOVITCH, journaliste,
écrivain): " Dans le quatrième tome du Dictionnaire
de la politique française,
Henry Coston cite cette prise de position, pour le moins
radicale, de
Roger ASCOT, rédacteur en chef de L'Arche, la
revue du Fond social juif que préside le baron Guy de
Rotschild : " Peu importe son talent. Céline participe
de Vichy, d'Hitler et d'Auschwitz. Comme tel, le mieux
qui puisse arriver à sa mémoire, c'est qu'on l'oublie.
Et qu'on se garde bien de cette tentation esthético
-fasciste, que dénonce Saül Friedlander dans Reflets
du nazisme qui consisterait à sauver le bon, le
moins mauvais Céline de la perdition. "
Voilà une vision assez particulière de la liberté
d'expression dont se réclame, par ailleurs, cette
publication. "
(BC n°6, février 1983).
*
Pierre AUDIAT
(journaliste, rédacteur en chef de
Paris-Midi
1892-1961): " C'est dans cette force continue
d'invective que réside, à mon sens, la puissance, rare,
de Louis-Ferdinand Céline. Il est à la portée de tout le
monde de lancer un : " Crève donc société ! " qui fasse
son petit effet,
mais le dire en six cent
vingt-six pages, le dire avec un renouvellement
incessant d'images et de violences, voilà qui n'est pas
commun. Au temps où les cochers de fiacre étaient des
virtuoses
en injures, un dessinateur célèbre représenta un
académicien écoutant, émerveillé, un automédon en colère
forger tout un lexique de néologismes expressifs. C'est
un peu la même impression que nous avons en lisant
Louis-Ferdinand Céline. Il injurie l'univers avec une
verve qui force l'admiration ; il ne faut pas s'arrêter
aux gros mots, il faut contempler ce torrent qui,
pendant des heures, charrie de la boue et des cadavres.
Par contre le livre risque de plaire aux
simples et aux raffinés. Aux simples qui se trouvent de
plain-pied avec l'auteur et qui parlent sa langue : la
concierge de M. Louis-Ferdinand
Céline fit compliment de son
ouvrage à l'auteur en lui disant : " C'est un livre,
M'sieur Céline, qu'est intéressant partout qu'on le
commence. " Aux raffinés parce qu'ils se sentent en
présence d'une force sauvage à laquelle ils aspirent
ou qu'ils regrettent comme quelque chose d'inaccessible.
Ils éprouvent devant ce livre la même nostalgie que
celle qui s'empare d'un galant homme, lorsqu'il voit une
belle brute arriver à ses fins auprès d'une femme
convoitée. M. Louis-Ferdinand Céline a violenté la
littérature ; bien d'autres écrivains voudraient faire
comme lui, mais ils n'osent - ou ils ne peuvent. "
(L'amour,
qui s'est mué en désespoir, Les critiques de notre temps
et Céline, Garnier, 1976).
*
Jean AUDOUIN (journaliste, fondateur de
Innovapresse): " Au risque d'introduire une fausse
note, de conduire à une interprétation politique de
notre attitude, osons citer l'écrivain maudit,
Louis-Ferdinand Céline, qui écrivait : " de la vie il
faut tout dire, crier, hurler avant d'avoir le droit de
se taire. " (Atonie chérie, Brut de com', hiver 1995,
dans L'Année Céline 1995).
* Jean AUGUY
(journaliste, éditeur et militant nationaliste) : "
Contrairement à ce que l'on croit généralement, Céline
n'a jamais été un auteur très prisé par la droite
traditionnelle, son style étant trop novateur pour ce
courant de pensée qui lui a toujours préféré des
écrivains au style plus classique, de Barrès à
Montherlant en passant par Brasillach, Chardonne, Béraud
et d'autres.
Jean AUGUY,
directeur de Diffusion de la pensée française, a
lui, le mérite et la franchise de le reconnaître dans un
de ses derniers catalogues : Je n'ai jamais aimé
Céline. Mon père possédait ses œuvres dans sa
bibliothèque et il m'a toujours été impossible d'en lire
plus de trois ou quatre pages. Mais en tant que libraire
je dois reconnaître que ses œuvres sont régulièrement
demandées, surtout par nos correspondants qui
s'intéressent à la littérature. "
(BC n°120, sept. 1992).
*
Aimée BARANCY
(journaliste, poète, nouvelliste,
musicienne 1891-1984): " Chère Baba, / je suis bien
heureux d'avoir de vos nouvelles mais vous vous débattez
je le vois au milieu d'abominables ennuis ! Quel courage
et quel esprit fringant vous avez ! Jeanne d'Arc n'avait
pas le quart de votre résistance. Vous voilà lancée chez
Fayard. Je ne sais rien pour mon film. Je suis trop pris
par mon travail actuel que je dois finir en septembre -
(si les révolutions le permettent !) Je ne sais rien des
divers équipages. Tout est possible. Ils sont peut-être
déjà revenus d'Océanie. Nous saurons tout cela bientôt -
au Pont de la Concorde. / Bien affectueusement à vous. /
mes amitiés à Eliane et Denizoff. / Louis F Destouches.
"
(A
Aimée Barancy, Badgastein, le 21 juillet 1935, Lettres
Pléiade, 2009).
* Jacqueline BAUDRIER (née
Jacqueline, Hélène VIBERT, journaliste ancien PDG de
Radio-France, 1922-2009) : " Inter-Actualités de
19h15 / Actualités littéraires, maintenant. / Il
nous faut vous rappeler une nouvelle que nous avons
longuement annoncée et commentée dans " Actualités de
midi 30 ". Cette nouvelle, c'est la mort de
l'écrivain Louis-Ferdinand Céline. / Pierre Le
Roizic, l'enterrement de Louis-Ferdinand Céline a eu
lieu au cimetière de Meudon et on a appris seulement
aujourd'hui, au moment même où avait lieu cet
enterrement de la manière la plus discrète, que
Louis-Ferdinand Céline était mort depuis samedi. Ses
amis qui le veillaient avaient caché la nouvelle
jusqu'au dernier moment.
Pierre Le Roizic : Si sa vie fut,
en effet, très mouvementée, sa mort et son enterrement
se passèrent, pour ainsi dire, à la sauvette et rarement
un écrivain de talent aussi reconnu fut aussi détesté
par son époque et il faut bien dire qu'il avait donné
tellement de gages de son génie démoniaque que l'on
demeure confondu par certains témoignages dont nous ne
mettons pas en doute la sincérité et qui représentent
Louis-Ferdinand Céline sous les traits d'un bon apôtre
vivant chichement dans sa petite maison de Meudon où il
soignait les pauvres avec un dévouement et un
désintéressement dont il est peu d'exemples, paraît-il.
C'est ce personnage plein de contradictions et d'exubérance allant
parfois jusqu'à la vulgarité qui disparaît ou plutôt qui
fait une sortie discrète par la petite porte, presque
honteux. Voilà d'ailleurs comment il définissait son
métier d'écrivain : " Ecrire comme je le fais ça a
l'air de rien mais c'est d'une difficulté qu'on
n'imagine pas. C'est horrible, c'est terrible, c'est
surhumain. C'est un truc qui vous tue le bonhomme. "
Jacqueline BAUDRIER : Je vous
rappelle qu'à midi 30, nous avons consacré toute notre
page littéraire à évoquer l'œuvre
de Louis-Ferdinand Céline - une œuvre
qu'on ne peut pas passer sous silence parce qu'elle a
vraiment apporté quelque chose de neuf dans le roman
contemporain, que nous nous sommes beaucoup plu
naturellement à tâcher, à évoquer cette
œuvre que la personnalité de
l'homme qui était, vous le savez, tellement critiquée
pour certaines prises de position politiques. "
(Transcription : Marc Laudelout et Jean-Pierre Latterner, BC n° 344).
*
Bruno BAYON (journaliste, écrivain): " Je me demande
même parfois si la seule littérature digne de ce nom
n'est pas celle qui est capable de vous atteindre
physiquement. Les livres qui sont susceptibles de vous
faire pleurer, vous étourdir, vous couper le souffle.
Qui vous produisent l'effet intolérable, comparable à la
sensation ressentie lorsqu'on a un morceau de papier
d'aluminium coincé entre les dents. Ça irrite. Je pense
à la description de la traversée de la Manche dans
Mort à crédit
de Céline, où tout le monde se dégueule dessus, qui m'a
rendu malade. "
(Télérama,
19 août 1992).
* Serge de BEKETCH (journaliste, créateur du
Libre Journal) : " J'avais 15 ans quand j'ai
tenté de lire Céline, D'un château
l'autre, résultat: néant. On m'expliqua plus tard
que ce livre comme Guignol's band ne faisait pas
réellement partie de l'œuvre de Céline. C'étaient des
livres de la fin. Dix ans plus tard, j'essayai de lire
Voyage au bout de la nuit.
Même résultat. On m'expliqua plus tard que comme Mort
à crédit
ce livre était un livre du commencement, le cri d'un
débutant maladroit qui hurle de voir le monde se déliter
autour de lui.
Je tentai donc de me jeter dans Les beaux draps
puis dans
Bagatelles puis dans l'Ecole des cadavres. Cela me
parut légèrement excessif. On m'expliqua que c'était le
délire d'un écorché vif. Je rangeai donc Céline dans un
coin de la bibliothèque. Récemment j'ai ouvert Les
beaux draps. Ouiche ! Quelle affaire ! Puis
Bagatelles, mazette !... Au fond, pour lire Céline,
il faut avoir le gosier fait, comme on dit pour le bon
vin, c'est une affaire d'âge. (Minute, 3 oct.
1990, Mûrir Céline).
*
François BERGER (journaliste à " Présent ",
quotidien de la presse nationale et chrétienne): " Le
plus misérable angle d'attaque des anti-céliniens, c'est
lorsqu'ils cherchent à mettre en cause sa " petite
musique ", prétextant que, pour Céline, cette " petite
musique " de l'écriture n'aurait été - à les lire -
qu'un moyen pour faire passer ses messages de haine,
etc. Air connu ! Monnier nuance tout cela, corrige,
démontre, explique. Ce qui est terrible, cependant,
c'est d'être encore obligé de batailler sur ces
terrains-là. Alors qu'à l'aube du XXIe siècle, le débat
devrait d'abord et avant tout porter sur l'écriture si
particulière de Céline. Peut-on imaginer une mise en
cause de la poésie de François Villon, en raison de ses
actes, de ses moeurs, de sa vie, du contexte historique,
que sais-je encore ?
Il est symptomatique qu'au-delà d'une place que l'on
croyait définitivement acquise dans la littérature,
Céline soit encore attaqué en tant qu'écrivain, non pour
son écriture, mais pour tout un ensemble d'éléments
extérieurs à cette écriture, jugés politiquement
incorrects, suffisants, à en croire ces pions de la
littérature conformiste, pour disqualifier Ferdinand,
l'expulser des manuels de littérature. D'où la colère de
Pierre Monnier. Sa rage devant la bêtise à front de
taureau. "
(Pierre Monnier et Céline face aux " Têtes molles ",
Présent, 31 oct. 1998, dans BC n° 194).
*
Francis BERGERON
(journaliste, essayiste): " Francis BERGERON
choisit cette phrase prononcée par Céline en 1958 dans
un
entretien avec Jacques Chancel : " Tous ceux qui m'ont
volé sont, au moins, commandeurs de la Légion d'honneur.
Autrefois, on pendait les voleurs aux croix.
Aujourd'hui, on pend des croix aux voleurs. "
Francis BERGERON attribue hâtivement la
paternité de ce mot à Céline. Comme nous l'apprend un
abonné helvète, cette phrase est extraite d'un quatrain
d'un certain Maurevert publié en 1938 dans le
Crapouillot consacré à la Légion d'honneur: " Les
temps étaient doux autrefois / On mettait les voleurs en
croix / Aujourd'hui les temps sont meilleurs / Et l'on
met les croix aux voleurs. "
(Guide des Citations de l'Homme de Droite, éditions du Trident, 1990 -
paru dans le BC n° 90).
* Emmanuel BERL (1892-1976,
journaliste, historien et essayiste): " - Vous avez
connu Céline ?
- Je l'ai vu à Marianne. Je l'ai vu à la NRF.
Je l'aimais bien. Il m'avait écrit une lettre, quand
j'ai publié Pavé de Paris. Je ne sais plus ce que
j'avais écrit au sujet de l'ordre biologique. J'étais
très sensible à l'histoire de l'anémie de la France à la
suite
de la saignée de 1914, et il m'avait écrit : " Tu ne
seras pas pendu. Tu seras Führer à Jérusalem. Je t'en
donne ma parole. " Signé Céline. Je regrette d'avoir
perdu ce certificat, mais il m'a été pris par les
Allemands. Céline est venu ici, chez moi. Là, je me
rappelle vraiment d'un Céline me disant : " Tu
comprends mon pote - l'écriture continuait dans la
parole, elle était artificielle dans les deux cas -,
mon père ne vendait plus rien passage Choiseul, parce
que personne ne vendait plus rien passage Choiseul, vu
que personne n'y passait. Alors, il disait que c'était
la faute aux jésuites et aux juifs. Crois-tu qu'il était
con ! " Je l'entends encore me dire ça. Deux ans
après, il publiait Bagatelles pour un massacre.
- Et vos rapports ont cessé après Bagatelles pour
un massacre ?
- Ah oui ! Remarquez, contrairement à beaucoup, je
trouve ça assez innocent. Il dit que tout espèce
d'individu, qui a été au lycée, est par là même juif !
Que pour lui, les prototypes du juif, c'est Mallarmé et
Racine. Alors, comme on ne sait plus très bien ce que
cela veut dire... Il est très violent, mais on ne sait
plus très bien contre quoi, parce que, finalement, était
juif quiconque ne parlait pas l'argot. Tout académicien,
etc. "
(Emmanuel Berl, Interrogatoire par Patrick Modiano,
Paris, Gallimard, 1976, p. 126).
*
Patrick BESSON: " ...On a oublié que les œuvres sont
plus fortes que les vivants, les morts et le temps.
L'art pénètre partout, comme l'eau pendant une
inondation. Il
ne
faut pas reprocher à certains éditeurs de publier
Brasillach, Rebatet ou Alphonse de Châteaubriant. Ils
sont simplement victimes d'un dégât des eaux et il reste
à espérer pour eux qu'ils ont une bonne assurance.
Cela dit, il est cocasse d'entendre certains critiques
se plaindre de la promotion qu'on fait à ces gens
politiquement douteux, alors que c'est Camus et pas
Drieu la Rochelle qu'on étudie à l'école, que Sartre est
en Pléiade tandis que Chardonne n'est même plus dans le
Livre de Poche, que le nom de Céline est
imprononçable dans tous les dîners où il n'y a pas
Sollers, qu'on ne peut pas dire que Brasillach a écrit
un magnifique "
Corneille " sans passer pour un nazi, que Léon
Daudet a dû attendre un demi-siècle avant qu'on puisse
relire la totalité de ses pamphlets et que c'est
seulement trente-cinq ans après la mort de Guitry qu'on
trouve ses œuvres en prose dans les librairies. "
(Paris-Match, 4 mars 1993).
*
Maurice BOURDET
(journaliste radiophonique, résistant
1902-1944): " L'idée maîtresse de M. Céline est, je
persiste à le croire, très éloignée de toutes les
intentions qu'on lui a, sans doute, un peu trop
généreusement prêtées. Ce voyage " imaginaire ", tel
qu'il l'annonce dans sa préface, apparaît, au contraire,
comme une somme
d'impressions
intensément ressenties aux diverses étapes de la vie de
l'auteur. Qu'on ne s'y trompe pas ! le docteur
Destouches risque bien souvent son nez dans les
histoires de son pseudonyme Céline. Il y a même, tout au
long du livre, un certain sentiment de la farce dans le
tragique et le sang, qui découvre vite le carabin.
D'autre part, quand M. Céline prend un
ton plus sérieux, celui qu'il doit avoir dans ses
consultations, il note des choses de ce genre auxquelles
on ne peut que souscrire : " Le véritable savant met
vingt bonnes années en moyenne, à effectuer la grande
découverte, celle qui consiste à se convaincre que le
délire des uns ne fait pas le bonheur des autres et que
chacun, ici-bas, se trouve indisposé par la marotte du
voisin " ou " le délire scientifique, plus raisonné et
plus froid que les autres, est, en même temps, le moins
tolérable de tous ". Ainsi, le
Voyage au bout de la nuit
oscille-t-il sans cesse entre un constant désir de
délivrer le subconscient, et une forme très stricte de
la raison, qui ne peut qu'enchanter un chercheur, fût-il
comme M. Céline, égaré dans le plus noir pessimisme. "
(Le
Miroir du monde, 21 janvier 1933, 70 critiques de
Voyage...Imec Ed. 1993).
* François BOUSQUET (journaliste,
éditeur, écrivain, directeur du Choc du mois) : "
Il n'aura guère eu de prédécesseurs - en dehors de
Rabelais, on peut ajouter Villon, Vallès, Darien ou
Barbusse - et encore moins d'héritiers. Il procède d'une
tradition qui n'a pas été conservée dans les
bibliothèques. C'est l'héritage immense, littérairement
en jachère, de la culture faubourienne, plébéienne,
boutiquière : les petits -bourgeois. "
C'est la petite bourgeoisie en France qu'est la classe
sérieuse, pas mystique, mais consciencieuse ",
écrivait-il dans L'Ecole des cadavres.
Il aura, mieux que nul autre,
incarné le génie libertaire et populaire de la capitale,
des Halles aux abattoirs de la Villette, des passages
parisiens aux faubourgs des grandes rues, la verve
inimitable des écorcheurs et des commères. Gavroche,
mais sans le sentimentalisme des Misérables. Un
paria, comme les hors -caste en Inde, devenu
intouchable, en dépit des polémiques récurrentes que sa
personne suscite, tant son génie d'écrivain n'a pas
d'équivalent depuis que l'homme est homme et qu'il
écrit. "
(Le Spectacle du monde, juin 2011, dans BC février
2012).
* Anne BRASSIE (Anne Auger, née
Pedrono, biographe, critique littéraire, animatrice de
radio et journaliste française) : Elle interroge Marc
Laudelout, le directeur du Bulletin célinien dans
l'émission de TV Libertés du 21 mars 2018).
(lepetitcelinien.com).
* André BRISSAUD (écrivain,
journaliste, historien, 1920-1996) : " Il y a l'œuvre et
il y a l'homme. L'œuvre on l'a. Elle survivra toute
seule aux critiques pelliculeux et cornichons qui
se torturent le foie pour secréter le maximum de bile.
L'homme, ce sera plus ardu. L'homme avec son secret.
Même ses rares amis se heurtaient à cette âme farouche.
Le regard seul trahissait parfois
l'immense générosité. Il y avait aussi son sourire.
On a accusé Céline de mépriser
l'homme... Ses ennemis qui l'ont vilipendé, craché,
interdit, traqué, spolié, enfermé, ont mal lu ses
livres, aveuglés par leur fureur haineuse. Ils n'ont pas
connu l'homme. On a fait de Céline un loup enragé, un
infâme collabo, un pornographe, un scatologue, un
anticlérical, un antisémite, un antimilitariste, un
antibourgeois, un anticonformiste, un anticommuniste, un
anti n'importe quoi. Parce qu'il a tout fait voler en
éclats, aussi bien les formes classiques de la
littérature que le langage conventionnel et la syntaxe
sclérosée, on a hurlé au sacrilège et on l'a condamné.
Mais qu'on relise les livres de
Céline ! On verra que cette poésie frénétique - souvent
sarcastique - cet irrespect total, cette fresque digne
de l'Apocalypse, cette violence verbale parfois
irritante, ne sont que les produits d'une générosité
incomprise, bafouée, d'une sensibilité immense et d'une
pitié impatiente. Je ne m'étendrai pas sur l'œuvre. Elle
est là, solide, puissante, indestructible. Rappelez-vous
Normance : " Ils achèteront plus tard mes livres,
beaucoup plus tard, quand je serai mort pour étudier ce
que furent les premiers séismes de la fin, et de la
vacherie du tronc des hommes, et les explosions des
fonds d'âme... Ils savaient pas, ils sauront ! "
(L'Herne, 1963).
* Eric BRUNET
(journaliste, animateur de radio, essayiste) : " Les
anars de droite. " Sur ma tombe, une seule épitaphe :
Non ! " écrivait Céline. A vrai dire, ils ne sont ni
anars, ni de droite, ni de nulle part... Simplement des
misanthropes, récusant tout, y compris l'étiquette dont
on les affuble.
L'anar de droite n'est pas non plus un rousseauiste
passionné : Céline : " L'ignoble imposture de
Jean-Jacques : L'homme est bon. " Pour autant, l'anar de
droite cultive un certain raffinement. Une forme
d'élégance chevaleresque, antibourgeoise : " Ils me
prennent pour un primitif, pour un gauche, pour un
fruste. Or, je suis un raffiné, un aristocrate... "
écrit Céline.
Un aristocrate qui n'a rien de mondain : " Je n'aime pas ce qui est
commun. Je n'aime pas ce qui est vulgaire. Je veux dire
qu'une prison est une chose distinguée, parce que
l'homme y souffre. Tandis que la fête à Neuilly est une
chose très vulgaire, parce que l'homme s'y réjouit. "
Oui, je sais. Desproges
n'aurait sûrement pas accepté d'être classé, inventorié.
Tant de gens de gauche l'apprécient. Mais les gens de
gauche aiment Céline, les cyclistes aiment Blondin, les
cinéphiles aiment Audiard et André Pousse...
(Valeurs actuelles, 26 avril 2018).
*
François
BUSNEL
(Journaliste, critique, producteur, animateur
d'émissions culturelles) : " Céline a mis les mots sur
des échasses. Il a allumé les feux de la provocation et
fait parler la poudre du scandale.
Et son œuvre,
intimement liée à sa vie, est une prodigieuse
métamorphose du réel. "
(Lire hors-série 7, 2007, E. Mazet, Spécial Céline n°7).
* LE CANARD ENCHAÎNE (journal satirique du
mercredi): " Alméras signale dans (Je suis le bouc.
Céline et
l'antisémitisme, Ed. Denoël), que la critique la
plus positive de l'Eglise
et de son fameux acte III a précisément paru dans
l'hebdomadaire satirique. Il reproduit l'éloge paru en
septembre 1933 : " Laconique, amer et toujours
anarchisant, le Dr Bardamu développe d'acte en acte des
théories passablement subversives. Et la scène de la
S.D.N. réalisée dans le genre bouffe est un véritable
régal. La pièce dit-on ne sera pas jouée. C'est
regrettable. "
Qu'un hebdomadaire de gauche ait pu si vivement
apprécier une pièce dont l'acte III constitue
indéniablement une satire antisémite peut surprendre
aujourd'hui, en effet...(...) Cela n'empêche pas Céline
d'être présent à sa façon dans chaque numéro. Ainsi dans
celui du 15 nov. 2000: deux titres attirent l'attention
: " : " D'une Busherie l'autre " (en page 7) et "
Massacre pour une bagatelle
" (en page 6)... N'attendez tout de même pas que
l'hebdomadaire du mercredi fasse acte de repentance. Les
donneurs de leçons n'apprécient guère qu'on leur en
prodigue... "
(B.C. décembre 2000).
*
Hebdomadaire CARREFOUR (a paru du 26 août à mai
1986, proche des gaullistes au moment de sa parution): "
Mon Cher Vieux, / Le plus dégueulasse (s'il peut y
avoir !) de ces bourriques de CARREFOUR est
qu'ils sont venus de la part du Pasteur
de Copenhague non en journaliste oh ! non ! non !
en amis du Pasteur et dans le but strict d'envoyer des
photos à la mère de Lucette à Nice ! et pas du
tout pour un article ! Mouchards, espions,
provocateurs, saloperies - Ils nous l'ont fait aux
affligés par nos conditions... Ils ont d'ailleurs campé
chez Mikkelsen. On leur a servi le café (notre ration du
mois) parfaitement abjects.
Oh tu sais y avait les mêmes couples à
Sigmaringen...Camelots - mouchards, photographes,
indicateurs - voleurs - trop lâches pour être maquereaux
- trop moches pour être putains. Le tout en auto plus ou
moins volée, papiers plus ou moins faux, plus ou moins
repris de justice, représentants, collaborateurs,
maquisards - communistes... C'est une véritable " espèce
" - " Homo équivoquius ". Ils vont par deux.
Ceux-là avaient même une petite sœur, en plus. Donc
vieux :
démenti absolu. formel - toujours. / NON NON NON Sur
ma tombe ma seule épitaphe / NON / Ton vieux / LFC. "
(Lettre à Albert Paraz du 22 sept.1949, Lettres
Pléiade 2010).
*
Jacques CELLARD
(journaliste, grammairien): " Mes lectures sont surtout
des relectures, il est si rare de trouver un livre
récent qui mérite d'être relu - la plupart ne méritent
même pas d'être lus ! Je relis toujours les trois mêmes
écrivains : Saint-Simon, Proust et Céline.
Pourquoi ces trois-là ? Parce qu'ils appartiennent à la
même étoile, celle des tueurs. (...) D'ailleurs un
écrivain n'est jamais tout à fait grand que quand il est
méchant ! (...) Céline, c'est inutile de commenter :
Céline est le même, tranquillement et cruellement
assassin."
(Minute, 4 septembre 1996, dans L'Année Céline 1996,
Du Lérot).
*
François CERESA
(journaliste et écrivain): " Dans la potée célinienne,
ils ont tous mis leur grain de sel. Les journalistes,
les hommes politiques, le ministre de la culture, et
même ce pauvre Delanoë. Céline ? Le cinquantième
anniversaire de sa mort
?
Ah, pas bien, pas question de commémorations, c'était un
salaud... Tout le monde donne son avis. C'est une
maladie, ça, l'avis de tout le monde. Sans compter les
commémorations. On commémore à tort, à travers.
N'importe qui, n'importe quoi. Pourvu qu'on commémore.
Là où il est , il s'en bat les joyeuses, sa majesté
Destouches. Cela ne l'empêche pas d'être un grand
écrivain. Le grand écrivain.
L'année Céline, c'est tous les ans. Et ça, les autres,
ils l'ont en travers. Ils auraient préféré un gentil
ramollo du bulbe, bien pensant, propre sur lui,
faussement rebelle, avec des idées plein la tête, des
mots aimables pour les uns, pour les autres, une sauce
bobo comme il faut, avec de l'indignation bien calibrée,
digne d'un bon petit repentant de commerce.
Indignez-vous, que diable ! Allez, pour mieux éluder
Céline, ce choléra, ce tétanos, ce pourri d'antisémite,
lisez-donc Brami. Emile Brami. Son " Céline à rebours
" vient d'être réédité (Archipoche, 474 p, 8,50 euros).
Entre " l'impatience et la colère ", comme disait
Jean-Louis Bory, pas de place pour la commémoration.
Brami joue les Huysmans. On retrouve un Céline génial et
pitoyable. Sa marque de fabrique. "
(Sa majesté Destouches, Edito, Service Littéraire n° 39, mars 2011).
*
François CHALAIS
(journaliste): " Le 14 avril 1944, François CHALAIS
(il signait alors
François-Charles
BAUER son véritable nom) déplorait, dans les colonnes de
l'hebdomadaire Je suis partout, que Céline n'eût
pas encore fait l'objet d'études.
Cinquante ans plus tard, dans le mensuel ferroviaire
Grandes lignes (septembre 1994), il déplore que
Céline (et d'autres écrivains réprouvés) soient à ce
point sous les feux de l'actualité éditoriale : " C'est
à qui, en effet, accordera le plus grand crédit et le
talent le plus considérable à des écrivains qui
mériteraient davantage l'oubli que l'on accorde aux
péchés difficiles à pardonner ". Et d'ajouter: " Au
sommet de la réhabilitation en fanfare nul ne parade
plus désormais que Louis-Ferdinand Céline ". Dont acte.
On renoncera à mettre d'accord l'auteur de ces lignes
parues en 1994 avec le collaborateur de Je suis
partout en 1944. "
(B.C. novembre 1994).
* Jacques CHANCEL: " Le deuxième tome des
Cahiers Céline que Gallimard vient de publier et que
je parcours ce soir. J'y retrouve des extraits du long
entretien que j'eus avec lui, un peu de cette
"confidence" donnée il y a seize ans à Télémagazine
et à Paris-Presse. Oui, un peu... car j'ai gardé
l'essentiel, des pages et des pages cachées quelque part
et que je réunirai - qui sait ? - un jour.
Elles livrent, ces pages, une autre image du
personnage, mais c'est encore trop tôt, il dit tant de
choses et il y a tant de noms déshonorés là, qui sont
comblés d'honneurs ailleurs... "
(Le temps d'un regard, p.26,1957).
*
Madeleine CHAPSAL
( 1925-2024, Ecrivain, journaliste, participa à la création de
L'Express
avec son mari J.J. Servan Schreiber ) : " Je n'ai vu
Céline qu'une fois, dans sa maison de Meudon, dans le
cadre que tout le monde connaît et a décrit, et il m'a
donné
cet entretien d'une traite, sans qu'il y ait eu un réel
contact entre nous.
Tout ce que je puis dire, c'est
que j'ai été éblouie par sa virtuosité, sa maîtrise
verbale - il n'y a pratiquement pas eu un mot à changer
quand j'ai transféré son discours de l'oral à l'écrit -
un peu étonnée aussi de ce qui pouvait apparaître comme
un " délire ", c'est-à-dire une répétition de certains
thèmes, une insistance à voir arriver le cataclysme et à
se mettre lui-même comme à l'écart des autres - tout le
reste du monde étant des " autres ", ses interlocuteurs
y compris.
Sans doute y avait-il là dedans
beaucoup de jeu, un " grand jeu " tragique qui avait
fini par l’englober et le dépasser lui-même. Comme
disait Jean Cocteau : " Ces mystères nous dépassent,
feignons d’en être les organisateurs... " C’est un peu
le sentiment que m’avait donné Céline, il " feignait "
d’en savoir plus long, de voir plus loin que les
autres...
Quant à l’homme qu’il y avait là-dessous, mon bref contact d’une heure et
demie avec lui, où il a parlé sans arrêt et sans presque
laisser la place à une question ou une interruption, ne
m’a pas permis de le saisir ou de le pressentir. Je sais
qu’il avait des amis qui l’estimaient beaucoup et même
l’aimaient, comme Roger Nimier qui était aussi
mon ami et par lequel j’ai eu accès à Céline et qui même
m’avait donné l’envie de solliciter ce rendez-vous et
cet entretien. L’un des premiers à paraître dans la
presse après son " retour d’exil ". Je sais aussi que
nous avions un autre point commun, qui n’est pas sans
importance : il aimait beaucoup les chats. Pour le
reste...
(Voyage au bout de la haine... avec Louis-Ferdinand Céline ",
L’Express, 14 juin 1957).
* En décorant Madeleine CHAPSAL de
l'Ordre national du mérite, mercredi soir, le président
de la République a rappelé que la romancière avait
réalisé un grand entretien avec Louis-Ferdinand Céline
pour
L'Express. En ajoutant d'un air de défi à l'adresse
des amis des promus du jour, et des ministres qui se
pressaient dans la salle des fêtes de l'Elysée : " S'il
est encore permis de nos jours de parler de Céline sans
créer de polémique ! " (Le Figaro, 1 oct. 2011)
*
En 1957, Céline signe son retour sur la scène littéraire
avec la publication de son ouvrage D’un château
l’autre. Madeleine Chapsal rencontre
l’écrivain devenu paria dans sa maison de Meudon par
l’entremise de l’écrivain Roger Nimier (1925-1962), chef
de file du mouvement littéraire dit des " Hussards ". En
2011, elle confiera au magazine Lire les tensions
suscitées dans la rédaction : " L’idée de donner
beaucoup de place à Céline les avait beaucoup remués.
[…] Je suis rentrée très fière de moi à L’Express,
mais là, en raison des propos provocants de Céline, une
discussion en conférence générale a commencé. Il a été
décidé de rendre compte de nos réticences dans une
courte introduction. Mais il n’y a pas eu de censure et
nous avons bien fait de publier cet entretien, car il
n’existait que peu de choses sur Céline à l’époque.
" Sur le déroulement de la rencontre, Madeleine
Chapsal ajoute : " Il avait le sens de la mise en
scène. Il nous a reçus dehors, devant sa maison. Il y
avait un chat, un balai et des cactus. Cela faisait un
peu terrain vague. Je n’ai pas aperçu sa femme. J’ai eu
le sentiment qu’il vivait un peu comme il en avait
envie, librement. Il était habillé comme quelqu’un qui
balaye devant chez lui ou fait du jardinage. Il était
évident qu’il était d’une intelligence remarquable,
supérieure. En fait, je n’ai pas eu grand-chose à dire.
A la première question, il est parti dans un monologue
éblouissant. Je n’ai pas eu à l’interrompre une seule
fois et j’ai donc rajouté les questions après. A cette
époque, il avait cessé de s’attaquer aux Juifs. Sa
nouvelle bête noire, c’était les Chinois. On était là
pour qu’il aille le plus loin possible. Il nous a mis au
défi à plusieurs reprises : " Cela vous n’oserez pas le
publier ! " On n’a pas coupé, bien entendu. "
(Voyage au bout de la haine… avec Louis-Ferdinand Céline,
Madeleine Chapsal et L’Express :
les trois rencontres marquantes de la journaliste)
*
CHARLIE HEBDO
(hebdomadaire satirique): " Une maison d'édition de
Tel-Aviv,
Am Oved, a décidé de publier le Voyage au
bout
de la nuit de Céline pour la simple et bonne raison
que c'est une œuvre exceptionnelle. Et même si Céline
était par ailleurs une véritable ordure, on ne peut pas
lui retirer ça : il a écrit de bons bouquins, tant qu'il
n'y parlait pas des Juifs. Mais les réacs locaux ne
retiennent que la moitié de l'histoire : " Céline ne
doit pas être imprimé en Israël puisqu'il fut l'un des
plus féroces antisémites pendant la période nazie. Un
point c'est tout ", déclare l'historien israélien Zeev
Stemhell (spécialiste de la droite et de l'antisémitisme
en Europe).
Ce disant, Stemhell ne se rend pas compte qu'il fait
passer ses compatriotes pour des arriérés toujours
bloqués sur l'Holocauste, qui n'écoutent pas Wagner, ne
lisent pas Nietzche (non pas qu'il fût antisémite, mais
sa sœur, elle l'était) et encore moins Céline. Alors que
les Israéliens ont autre chose à foutre en ce moment,
avec leurs copains palestiniens. Alors que, de toute
façon, l'antisémitisme de Céline (totalement absent du
Voyage au bout de la nuit, notez bien) ne risque pas
de faire des émules chez les Israéliens, ou alors ils
sont vraiment très crétins. "
(Charlie Hebdo, 2 février 1994, dans le BC n°139,
avril 1994).
* Pierre CHÂTELAIN-TAILHADE
(1904-1977, journaliste français libertaire, esprit
éminemment libre, alias " Valentine de Coin-Coin ", "
Clément Ledoux ", Jérôme Gauthier " dans le Canard
enchaîné, collabore aussi au journal pacifiste La
patrie humaine) : " J'admire Céline. j'ai déjà dit
pourquoi. Pourtant cette crise inouïe d'antisémitisme,
auprès de quoi les hargnes de Drumont feront dorénavant
figure de bluettes, m'a coupé le souffle. Il n'y a pas
de respiration possible dans le sillage d'une colère
pareillement massacrante. Je ne comprends plus. C'est à
se demander si Ferdinand n'est pas le plus frénétique
mystificateur de son siècle, s'il n'a pas décidé de
monter au monde un éblouissant " canular ".
[...] On s'étonne d'un acte d'accusation si bien monté.
On veut voir de plus près les choses : On tombe sur le
Protocole des Sages de Sion, ce faux pour
antisémitisme de foire aux puces... Passons... [...]
Pour l'antisémitisme célinien, je ne marche pas. Quant
au reste, ô merveille ! Il y a dans Bagatelles pour
un massacre, des pages à se rouler par terre de
ravissement. La littérature : ravagée ! La critique sic
: écrabouillée ! [...] Il faut avoir du mastic sur les
yeux et du béton dans les oreilles pour ne pas déceler
tout de suite que les pages folles, hallucinantes,
tempétueuses, outrées, que Céline assène sur la
littérature contemporaine et sur ces sous-produits,
auront, un jour, dans l'histoire de l'art, une
importance peut-être égale à celle de la
Préface de Cromwell. Je ne sais plus quel rimeur
Léon Bloy traitait de " planète désorbitée de la poésie
". Céline en est une autre !
Il y a dans Bagatelles,
trois chefs d'œuvre, trois
thèmes de ballets, splendides de charme, d'humour de
couleur, d'invention. Du luxe ! Rien que ces trois
ballets vaudraient une gloire exceptionnelle à l'être
assez artiste, assez sensible pour les avoir rêvés.
Trois purs saphirs au front sanglant de [...] Au fond ce
doit être ce qui les chiffonne, les Billy de mon cœur.
Tous plagiaires, les petits coquins. Tas de " pompiers "
obstinés à refaire en mie de pain ce qui fut taillé
droit dans le marbre ; marchands de Moïses en gaufre
saint-sulpicienne sous prétexte que Michel-Ange eut un
ciseau magique, ils reniflent aux talons de Céline,
quelqu'un qui les dépasse.
C'est réglé, c'est couru, les doigts dans le nez, la bave aux lèvres :
ils ne lui pardonneront jamais son génie. Ce que
d'autres ne lui pardonneront pas, c'est son honnêteté
pacifiste.
[...] Quand on refuserait à Céline tout talent, tout équilibre ; quand on
s'épouvanterait des dimensions de son impudeur et du
fracas de son délire ; quand on le haïrait comme il est
assuré d'être haï passionnément, religieusement, il est
une chose que nul ne lui déniera : la bravoure. "
(Eric Mazet, dans La patrie humaine sous le
titre " Le dernier Céline ou la fureur de Baal ", 14
janvier 1938, Spécial Céline n° 30, 2018).
*
Journal COMBAT (quotidien clandestin lié à la
résistance crée fin 1941): " A " COMBAT ", / Hé
diable ! Monsieur, je parie bien
les Dardanelles que ce Jean-foutre des Investias n'a
jamais lu un seul de mes livres !
(...) La " nullité littéraire Céline " leur apprend
puisqu'ils ne savent rien, même de ce qui les concerne,
ils bavent sous eux !) que le
Voyage au bout de la nuit a été lancé par un article
de Georges Altman dans le Monde
communiste, d'Henri Barbusse, en 1934.
Les articles de Daudet, Descaves, Ajalbert, ne sont
venus " qu'ensuite ". (...) De telles crétineries
découragent la polémique, on comprend que la parole soit
de plus en plus à la bombe, à la mine, au déluge ! / Je
vous prie de croire, Monsieur, à mes sentiments très
distingués. / LF Céline. " (Lettres 2009, à Combat,
26 ou 27 juillet 1947).
*
Lucien COMBELLE
(journaliste, écrivain) : " Mon cher
Combelle, imaginez-vous que si Lecache revenait au
pouvoir il vous réserverait de charmants échos dans le
Droit
de Vivre ? C'est pourtant ce que vous faites -
position inversée - pour Giraudoux dans votre journal...
Giraudoux le mieux payé des pousse-au-crime de l'immonde
propagande Continental - Mandel, le plus
fétide-enjuivé-grimacier-confiseur-farceur-imposteur-nul-prébendier-lèche-cul
des chiots littéraires 39 - Vous n'êtes pas difficile...
Ni
les uns ni les autres ne semblez avoir décidément le
sens, l'instinct primitif, le réflexe de défense
immédiat, absolu, contre l'ennemi - qui lui ne vous
oublie pas, ne vous prendra jamais pour un autre...
Mangouste ! Admirable mangouste ! Admirable petit fauve
! jamais dégénéré, qui n'a jamais, ne prendra jamais la
vipère pour un verre de lampe ! la vessie pour la
lanterne ! Mots pourris ! Mangouste !
Combelle ! Mangouste ! Assez de mots ! / L F Céline.
"
(Lettres 2009, à Lucien Combelle, juin 1942).
* Jacques COROT
(journaliste Le Provençal) : " Mort à crédit
de Louis-Ferdinand Céline m'a sauté à la gorge par
surprise. Côté sexe et violence, je ne fus pas déçu. Par
inadvertance, je venais de découvrir la Littérature. "
(Le Provençal, 10 février 1993).
* Henry COSTON (journaliste, éditeur,
essayiste et militant d'extrême droite) : " D'une
connaissance l'autre. Enfin j'ai eu rendez-vous avec
Henry COSTON, éditeur de
son Dictionnaire de la politique française en
quatre volumes. Lui, il avait fini par expliquer ces
années agitées comme un kaléidoscope d'affiliation
politique ; le jugement politique a été déformé par la
crainte du bolchévisme ou le désir de la paix. A mon
avis il aurait fallu ajouter l'élément du racisme qui
persiste dans toute société et qui, comme la peste,
réapparaît à certaines époques comme celles de Dreyfus
ou d'Hitler. De toute façon, a t-il continué, beaucoup
d'intellectuels ont opté pour l'idéal communiste ou
l'idéal fasciste. L'histoire allait approuver les uns,
punir les autres. Il n'empêche que les deux étaient en
quête d'une société meilleure. COSTON a mentionné
comme exemple Pierre-Antoine Cousteau, frère de
l'océanographe Jacques, qui s'était d'abord lié avec la
gauche pour devenir après une volte-face remarquable
membre de l'équipe de Je suis Partout.
Et puis le cas Céline. Il s'était exprimé clairement
dans ses pamphlets mais sans jamais se lier à un parti,
à un mouvement. Il conservait férocement son
indépendance et assumait la responsabilité de ses
passions. COSTON lui a rendu visite en 1937, lors
de la publication de Bagatelles. Son appartement
était, comme il a dit, " un lieu sordide, rempli de
meubles délabrés et très désordonné ". COSTON
croyait à ce moment, comme Céline, que les Juifs
poussaient la France à la guerre ; pour un pacifiste,
l'ennemi c'était les Juifs. Mais il croyait aussi que
Pierre Laval - qu'il interviewa pendant l'Occupation -
était motivé par sa crainte du communisme. Dans ce cas
néanmoins, il a condamné Laval pour son manque
d'honnêteté et de scrupules. " Laval aimait la France
a-t-il dit, comme le fermier aime sa vache. Il la
trayait pour son propre bénéfice. "
(Stanford Luce, Miami University, BC n° 72, août
1988).
*
Michel COURNOT
(journaliste, écrivain, critique cinématographique et
réalisateur 1922-2007): " Guérisseur français,
Céline a inventé Hitler, la prose à décollage vertical,
la querelle sino-soviétique et le dialogue à cyclotrons.
N'ayant pu empêcher son disciple Henry Miller de piquer
la bombe atomique aux Allemands qui n'osaient pas s'en
servir, Céline se retrouva dans le mauvais gang et fut
déporté à Vitebsk par le patriote Ludwig Aragon.
Il n'en profita pas pour s'embourgeoiser, comme Giono et
Montherlant. Ecrivain plutôt libéral, Céline a surtout
écrit l'œuvre complète de Jean-Paul Sartre, excepté
Les Mots qui sont un posthume de Flaubert enfant.
Ayant découvert que la littérature
est, au vingtième siècle, une survivance, Céline fit le
mort, disparut. Il est aujourd'hui, par pure méchanceté,
pilote dans l'aviation nord-vietnamienne, à bord d'un
sabre supersonique offert par son rédempteur, M. Jean
Paulhan. " (Enquête " Que faire avec Céline ? ", Le
Nouvel Observateur, 25 fév.1965).
* L'Eglise, " ratée ", ça
non ! Sûrement pas ! Sur tous les faits qu'il met en
jeu, la guerre, les colonies, la vie new-yorkaise, la
danse, les organismes internationaux (sa description de
la SDN anticipe l'ONU), le prolétariat des faubourgs de
Paris, la médecine, la maladie, Céline a un regard qui
n'appartient qu'à lui. Une telle attention aussi à
toutes les souffrances d'autrui qu'il n'est pas
possible, écoutant L'Eglise, de se dire que douze
ans plus tard, Céline allait basculer dans le racisme.
Il n'est pas surprenant que
l'antiraciste auteur de Réflexions sur la question
juive, Jean-Paul Sartre, ait inscrit, en exergue de
son plus beau roman, La Nausée, une phrase de
L'Eglise : " C'est un garçon sans importance
collective, c'est tout juste un individu. " La
phrase est prononcée, dans la pièce, à propos de
Bardamu-Céline, par le docteur Rajchman. "
(Le Monde, 5 octobre 1992).
*
Jean DANIEL
(né Jean Daniel BENSAÏD, journaliste, écrivain
fondateur du
Nouvel Observateur en 1964) : " ... sans doute,
j'éprouvais un malaise lorsque, à propos des écrivains
qui avaient collaboré avec le nazisme, on mettait sur le
même plan Céline et Rebatet dont l'immense talent ne
fait pas de doute, et Drieu La Rochelle et Brasillach,
qui sont des écrivains mineurs. "
(Le Figaro, 4 mai 1992).
*
"... Si je me félicite de ce que chaque soir, depuis des
semaines, Fabrice Luchini joue à guichets fermés en
récitant Céline, c'est que, sans qu'il l'ai voulu, sa
dévotion exclusive pour le
Voyage fait tomber dans la trappe ce qui suit.
Le docteur Destouches meurt avec Bardamu. Plus de
bagatelles et plus de massacres. Plus rien n'existe que
le Voyage. La célébration de son auteur par
Luchini devient ainsi un meurtre transfigurateur. Céline
sauvé par Luchini ? Oui, par amputation. "
(Le Nouvel Observateur, 2-8 août 2001).
* Georges de CAUNES (journaliste, acteur,
réalisateur et producteur, 1919-2004) : Jeune
journaliste à la Radiodiffusion française rentrant de
l'expédition polaire française en compagnie de
Paul-Emile Victor sur la banquise du Groenland ; il
décide, sur le chemin du retour, en juillet 1948, de
rencontrer Céline au Danemark...
" Le
lendemain de ma visite au ministre des Affaires
étrangères, par l'entremise de Marie Laurencin et du
peintre Gen Paul, je rends visite à maître Micheksen
(sic), avocat de Céline pour qui je dépose une lettre,
le priant de me recevoir le lendemain (...) La réponse
se fait attendre, et ce n'est que la veille de mon
départ que, prenant le train pour Korsor où il réside, à
deux heures de Copenhague, je rencontre l'écrivain
exilé.
... En fait d'interview, j'en suis réduit à écouter un
long et véhément monologue où l'écrivain, à ma première
allusion au Voyage, se répand en invectives sur
le compte de Gallimard : " Le Voyage au bout de la
nuit est tombé dans le bidet de mon éditeur ! Aragon
et Elsa ont traduit le Voyage en 36 sur demande
des Soviets, et cela leur a bien profité. On me faisait
alors de grosses avances, on voulait que je remplace
Barbusse ! Maintenant on trafique le Voyage
en douce. Pendant la guerre, quand je gagnais un million
avec mes livres, je versais six cent mille francs
d'impôts à M. Pétain, mais depuis cinq ans je n'ai plus
gagné un sou ! Mon éditeur est une putain qui trait mes
livres comme des vaches ! "
Puis Céline se désigne lui-même et se
lamente : " Mes ennuis m'ennuient ! J'ai cinquante-cinq
ans et 75 % d'invalidité de guerre, celle de 14. J'ai
même eu la Croix ! Seulement j'ai un article 75 au cul
et on en profite pour me dépouiller ! " Il me montre un
carnet d'autobus, dérisoire : " Pour moi, d'ici à Paris,
il y a trois heures d'avion et quinze ans à Fresnes ! Et
pourtant il n'y a rien dans l'acte d'accusation ! J'ai
juste demandé que les youpins ne nous égratignent pas !
"
Je l'interroge sur ses espoirs en une amnistie : " Je ne crois pas à
l'amnistie. La France, nation légère et dure, n'est pas
le pays de l'amnistie, disait Voltaire. Et puis de quoi
ça aurait l'air, un grand-père en prison ? Est-ce un
exemple pour les petits-enfants ? Je suis hors la loi et
pourtant je révère foutre Dieu énormément la IVe
République que je ne connais pas ! Moi, je suis pour la
légalité ! Vive les gendarmes ! l'ordre ! la méthode !
Vive celui qui me rendra mes droits d'auteur et une
place au Père-Lachaise où est ma pauvre mère ! "
Céline attendait la visite
imminente d'un professeur américain de littérature
comparée, universitaire d'origine juive. " Il me compare
à Dreyfus ! me lançait Céline, brandissant l'une de ses
lettres. Voici ce qu'il m'écrit : " Je ne vois pas
pourquoi, moi, je ne défendrais pas un Aryen ! "
Deux jours après ma visite, le professeur Milton Hindus, de l'université
de Brandeis (sic), venait passer trois semaines auprès
de l'écrivain (...) "
La suite du texte permet de dater la rencontre entre
de CAUNES et Céline au 15 juillet 1948. Les
premières notes publiées de Hindus de ses entretiens
avec Céline sont du 20 juillet.
(L'Année
Céline 1998, p.105, et Imarra, Aventures groenlandaises,
Ed. Hoëbeke, 1999).
*
DELFEIL de TON
(de son vrai nom Henri Roussel, journaliste, un des
premiers rédacteurs de Hara-Kiri): " Toute la
haine raciale n'est qu'un truc à élections ". C'est de
qui ? De Céline. Dans une lettre à Thibaudet de 1933.
Relu le " Voyage ". Au bout de la nuit, bien sûr.
Sans doute pour la dernière fois. Trop jeune, le "
Voyage ", t'y comprends pas grand-chose. Trop vieux,
c'est pas supportable. La mort à toutes les pages. La
citation sur les incitateurs à haine raciale se trouve
dans les "
appendices " de l'édition de la Pléiade, page 1009.
Edition avec remarquable apparat critique, comme ils
disent à la Sorbonne.
Des fois, ils se plantent. " J'ai attiré la fille
Henrouille dans un coin et je lui ai posé franchement le
marché en main parce que je voyais bien que le seul
homme là-dedans capable de les sortir c'était encore
cézigue, finalement. " Appel de note à " cézigue ". On y
court. " L'usage argotique, écrit l'apparat critique,
voudrait ici mézigue et non pas cézigue." Où qu'ils ont
été chercher ça ? On sent que la Sorbonne, s'ils
faisaient la grammaire d'argot qui les démange, elle
serait pleine de conneries comme l'autre. "
(Chronique hebdomadaire du Nouvel Observateur, 27 avril 1984, dans BC
n°24, août 1984).
*
" Fervent lecteur de Céline, DELFEIL de TON
considère que la grandeur de celui-ci n'a nul besoin
d'être célébrée : " Nous célébrons Céline à chaque
fois que nous le lisons. Pour certains, c'est tous les
jours et il n'a nul besoin d'autres célébrations. "
Et de conclure, suite à toute cette polémique : "
Vous savez quoi, Céline ? Il se marre. "
(Le Nouvel Observateur, 27 janvier-2 février 2011, dans BC n°328).
* Stéphane DENIS
(journaliste et écrivain): " Tous ses contemporains ont
été frappés par la nouveauté de ce style, mais le style
de Céline pouvait, par sa nouveauté
même,
se démoder, ou plutôt ne plus produire le même effet. Or
il a survécu puisque D'un château l'autre, publié
après la guerre et l'insuccès des
Féeries, trouva un large public. Le problème avec
Céline, ce sont les céliniens.
Agenouillés dans la chapelle, ils se placent sous le
lumignon du proscrit, espérant pour les uns qu'un peu de
lumière rejaillisse sur leurs œuvres, leur donnant,
comme au presbytère et au jardin, du mystère et de
l'éclat ; et pour les autres rester en prière sans être
dérangés par les ploucs. Sur ce point Céline leur a
montré la marche à suivre, qui n'aimait lire personne,
sauf Paul Morand et Barbusse , et aussi Vallès. (...)
C'est Louise de Vilmorin, qui dit en 1969 à François
Truffaut : " Céline c'est grand, c'est courageux,
c'est audacieux, c'est compromettant. " Il est aussi
compromettant de le dire : si on aime Céline, on aime
tout Céline. "
(Le Figaro Magazine, 23 octobre 2004).
* Gaston DERYCKE : " (...) Si j'avais aujourd'hui
un garçon de vingt ans, je lui ferais lire ces livres et
notamment Mea culpa et Bagatelles, qui lui
diraient ce que sont les juifs, ce qu'est le
bolchévisme, avec une éloquence beaucoup plus persuasive
que tous les prêches de la propagande. Et je n'aurais
pas peur, pour lui, du langage de Céline.
D'abord, quelle que soit sa violence, je la crois plus
profondément SAINE que le style chantourné de M.
Giraudoux, plus tonique que le sirop de sucre de MM. les
littérateurs de salon ou d'Académie. Et puis, ce n'est
tout de même pas parce qu'on aime Racine ou Hugo qu'on
se met à parler en alexandrins... "
(L'Assaut, 18 juin 1944, dans BC n°17, janvier 1984).
*
Charles DESHAYES (journaliste lyonnais): " / ... Se
mêler d'antisémitisme, même en chuchotant, c'est
sûrement se précipiter dans les pires supplices... et
pour quels résultats ? J'en suis le piteux témoignage !
Et puis notre civilisation est juive du tout au tout. Il
crèvera avec nous, nous crèverons avec lui. Il n'y a
entre nous que de sales querelles de famille. Les
Racistes hitlériens étaient de damnés farceurs. Vivent
les juifs ! Jamais assez : vivent les juifs ! Telle est
mon atroce expérience. Fumiers pour fumiers, les aryens
ne les valent pas. Si j'avais à revivre.
Et puis
vraiment tout ceci est dépassé !... La question jaune et
noire se pose et commande TOUT, écrase tout - et la
question mécanique - le progrès matériel - l'énorme
fornication d'Asie + l'hygiène + l'avion - emportent
tout. Il ne reste plus que des babillages, des
byzantinismes quasi gâteux(...) / LF Céline. "
(Lettres 2009, à Charles Deshayes, 12 août 1947).
*
Christophe DONNER né Quiniou (journaliste, écrivain,
chroniqueur hippique à
France-Soir): " Depuis hier soir, ma femme s'est
prise de passion pour Louis-Ferdinand Céline. Je lui
avais pourtant recommandé Mort à crédit,
il y a quelques années, mais ça n'a pas pris. Et là,
sans crier gare, hier soir, la voilà ti pas qu'elle
s'installe au lit avec mon Pléiade. Voyage au bout de
la nuit l'enchante. Et page 55, comme de juste, elle
s'écrie : " Oh, il parle des courses ". Je fais le
malin, l'air de dire, bien sûr que Céline parle des
courses, tous les écrivains un peu déniaisés parlent des
courses. Comme si je connaissais le passage par cœur.
Mais à la relecture, je me rends compte de l'importance
des courses dans l'œuvre et dans la vie de Céline (...)
C'est bien à Longchamp, pendant la guerre, et grâce aux
courses que Céline a séduit Lola, la jeune
infirmière américaine... " Cet endroit devait être bien
joli avant la guerre, remarquait Lola. Elégant
?... Racontez-moi, Ferdinand ! Les courses ici ?...
Etait-ce comme chez nous à New-York ?... " - " A vrai
dire, je n'y étais jamais allé, moi, aux courses, avant
la guerre, mais j'inventais... Les robes... les
élégantes... Les coupés étincelants... le départ... Les
trompes allègres et volontaires... le saut de la
rivière, le Président de la République... La fièvre
ondulante des enjeux, etc. "
(cheval.blog.lemonde.fr, 12 oct. 2009).
*
Jean DRAULT (né Alfred Gendrot, journaliste et
écrivain, directeur de La France au Travail
1866-1951): " Mon cher Jean DRAULT, / Je me suis
jeté sur votre ouvrage, vous le pensez bien, et l'ai lu
tout d'un trait ; la synthèse en est magnifique ; la
plume, de maître ; le fond, admirable. Votre ouvrage
devrait être au programme des écoles, obligatoire.
Les Droits et les
Devoirs de l'Aryen, tout y est. Peut-être vous trouverais-je
encore bien indulgent pour la chrétienté que je mets sur le
même plan que la juiverie, tel est mon extrémisme. Mais ce
n'est pas mon opinion. Votre livre est une Somme. / Et bien
affectueusement. / L.-F. Céline. "
(Lettre du 26 mars 1942, Lettres, Pléiade 2010).
*
Claude DUBOIS
(journaliste, écrivain): " Ce véritable
titi parisien, né rue Rambuteau, il y a 63 ans, a
passé toute son enfance rue du Plâtre, dans le 4ième
arrondissement. Comme souvent dans ses livres sur Paris
la figure de Céline n'en est pas absente. On sait que
Claude DUBOIS
est l'auteur de
la première anthologie célinienne et qu'il a maintes
fois évoqué le Paris de Céline et de ses amis (Gen Paul,
Henri Mahé etc...) dans ses chroniques du Figaro.
Le livre de Claude DUBOIS fourmille
d'intéressantes observations.
"
Chez Céline, la vulgarité engendre
souvent le comique, cet autre trait français. (...)
Nyctalope, le regard de Céline sonde jusqu'aux tréfonds
des ténèbres. En définitive, l'instinct comique, c'est
l'instinct de vérité. De ce point de vue, Céline est un
vrai titi de Paname, un gavroche : ses histoires ne sont
pas gaies, mais sa faconde fait rire. "
(Je
me souviens de Paris, Visages, façons, histoires et
historiettes du Paris populaire, Ed. Parigramme, 2007,
dans le BC n°293).
*Jean-Emmanuel DUCOIN
(journaliste, essayiste, rédacteur au journal communiste
l'Humanité): " Maudit. Concevoir la dualité. Sachant
qu'il publia Bagatelles dès 1937 et l'Ecole
des cadavres en 1938, donc très tôt, l'antisémitisme
de Céline
discrédite-t-il
l'homme ou l'écrivain ? Les deux ? Et que faire face au
talent, à l'ingéniosité, à l'inventivité, quand ils
éclatent ainsi dans tous les écrits, absolument tous -
et c'est bien l'un des problèmes intellectuels
insurmontables. (...) Exemple scabreux : a-t-on le droit
de suggérer que les pages consacrées à la Russie dans
Bagatelles figureraient probablement dans toutes les
anthologies de la littérature si elles n'appartenaient
pas à un livre " maudit " ?
(...) Nous pouvons porter une absolue et radicale
admiration à certaines œuvres de l'écrivain - mais
exclure l'homme des panthéons républicains relève d'un
principe moral et éthique. Sauf à considérer que la
littérature est plus importante que la Shoah : qui osera
soutenir semblable thèse ? La culture, la littérature,
la poésie, l'art devraient être polémiques par essence,
presque par fonction. Le Voyage, Mort à crédit, D'un
château l'autre ou Rigodon prodiguent le feu d'un
incendie esthétique et suscitent des désastres et des
perditions. Brûlés nous sommes. Céline disait : " Je ne
vois dans le réel qu'une effroyable, cosmique,
fastidieuse méchanceté - une pullulation de dingues
rabâcheurs de haine, de menaces, de slogans énormément
ennuyeux. C'est ça une décadence ? " De quelle époque et
de qui parlait-il ? "
(
larouetournehuma.blogspot.com, 29 janvier 2011).
*
PIERRE DUMAYET
(journaliste, scénariste et producteur français, figure
de la télévision, 1923-2011).
- " Vous ne croyez pas à votre
violence... Vous ne la concevez pas ? Vous ne l'imaginez
pas
?
-
L. F. Céline : " Je ne me vois pas du tout violent.
(...) Je sentais une guerre venir et je dénonçais les
motifs de la guerre et les suites. Je me suis occupé
beaucoup des explorations polaires, particulièrement au
Groenland, avec des meutes de chiens. Et ce qui compte,
n'est-ce pas dans l'attelage, c'est le guide. Le guide
est généralement une chienne particulièrement fine qui
sait à 25 ou 30 mètres dire qu'il y a une crevasse.
Or, on ne la voit pas sous la neige, n'est-ce pas la
crevasse. Alors nous dirons qu'elle est violente parce
qu'elle avertit tout le traîneau qui va descendre 60, 70
mètres dans un trou... Eh bien ça évidemment j'ai
peut-être la finesse d'une chienne de traîneau. Pas
plus. "
(Lectures pour tous, 17 juillet 1957).
*
Valérie DUPONCHELLE
(grand reporter au Figaro, spécialiste des Arts):
" L'intérêt de Céline pour le cinéma était plus
financier qu'artistique ", souligne Henri Godard,
l'universitaire de la Sorbonne (littérature du XXIe
siècle) qui a édité les quatre
tomes de la Pléiade entre 1974 et 1994. - " Chacun des
cinq manuscrits qui composent les Ballets sans
musique, sans personne, sans rien, édités en 1948
avec les illustrations d'Eliane Bonabel, a eu un destin
complexe comme l'œuvre de Céline ", souligne Jean-Paul
Louis, éditeur-imprimeur des Editions du Lérot
(Lettres à Marie Canavaggia, 3 volumes, 1995).
*
- " Les originaux des trois ballets, Naissance d'une
fée, Voyou Paul, Brave Virginie et Van Bagaden,
écrits contemporains de Secrets dans l'île, mais
publiés en 1937 dans
Bagatelles pour un massacre, semblent perdus. J'ai
vu une fois le manuscrit de Foudres et flèches
(1949) que Céline a écrit en deux parties à Copenhague.
Après de longues hésitations, il l'a donné à sa
secrétaire Marie Canavaggia. Du texte qui le précède,
Scandale aux abysses, on ne connaît que des
tapuscrits corrigés et les épreuves typographiques de
Denoël, projet abandonné en juin 1944, publié finalement
en 1948. "
(Le Figaro, 24 nov. 2000).
* Jérôme DUPUIS (journaliste à "
L'Express "): " Audiard multiplie les déclarations.
Il annonce Belmondo dans le rôle de Bardamu. Révèle
qu'il va confier la réalisation à Fellini.
Puis sort un nouveau nom de sa casquette : " Le mois
dernier je dînais avec Serge Leone. Au dessert il me dit
- je voudrais tourner le Voyage... "
Audiard-Leone : quel tandem ! Bardamu " westernisé " par
l'auteur d'Il était une fois dans l'Ouest ? La
boue des tranchées, la moiteur africaine, les bas-fonds
new-yorkais, les gros plans sur la joue mal rasée de
Robinson... " J'ai souvent pensé en faire un film. Mais
je ne savais pas s'il était raisonnable de toucher à un
tel chef -d'œuvre. J'étouffe d'un sentiment de pudeur ",
tempérera Leone, avant de déclarer forfait. Il aurait
pourtant fait une heureuse : Lucette, qui rêvait de voir
Clint Eastwood incarner Bardamu-Céline !
Mais plus Audiard parle,
moins il avance. Le Voyage est un rêve et on ne
tourne pas un rêve. D'autres grands noms des sixties
se mettent alors sur les rangs : Claude Berri, Pialat,
Malle, Godard - qui fera lire un long passage de
Guignol's band à Belmondo dans Pierrot le fou
-, Milos Forman, le producteur Jean-Pierre Rassam - qui
déjeune avec Lucette... Plus récemment François Dupeyron
achète les droits et s'enferme neuf mois pour écrire un
scénario. En 2007, Yann Moix travaille à une adaptation
de la partie américaine, transposée aux temps du 11
Septembre. Las ! après avoir retourné le roman dans
tous les sens, réalisateurs, producteurs et adaptateurs
jettent tous l'éponge. Alors, le Voyage, projet
maudit ? Ou... impossible ? "
(Je laisse rien au cinéma, Lire Hors-série n° 13, 2011).
*
Marcel ESPIAU (journaliste, critique littéraire): "
Mon cher Espiau, / Bien grand merci pour votre petit
article du Temps. Je vous connais et demeure
votre très grand obligé pour le courage admirable avec
lequel vous avez défendu mon premier livre, au temps où
la ligue des Parfaits-Pensants me passait déjà le lasso.
(...) Je sais vous le savez plus de choses qu'il semble
à première vue. Mr Worms est après tout le maître actuel
absolu de la France, et de tous ses partis - et de tous
les néo-députés. Comment faire plaisir à Mr Worms ? Tel
est le devoir strictement conformiste de tout Français
actuel qui veut être sûr de son rutabaga du lendemain,
qu'il soit des Trusts ou non. De Rotchild à Worms
avons-nous gagné ? Voilà une question passionnante -
Enfin à peine. Parle-t-on de ceci au Rassemblement
Populaire ? Qu'en pense votre patron ? / A vous bien
amicalement et toujours dévoué. / LF Céline. "
(Lettres 2009, à Marcel Espiau, mars 1941).
*
Frédéric FERNEY (journaliste, essayiste et écrivain,
critique au Point): " De ces lettres, je retiens
aussi celle-ci, écrite aux
Editions
de la NRF
peu avant le 14 avril 1932: " Monsieur, / Je vous remets
mon manuscrit du " Voyage au bout de la nuit " (5
ans de boulot). Je vous serais particulièrement obligé
de me faire savoir le plus tôt possible si vous êtes
désireux de l'éditer... Il s'agit d'une manière de
symphonie littéraire, émotive, plutôt que d'un roman.
L'écueil du genre, c'est l'ennui. Je ne crois pas que
mon machin soit ennuyeux. Au point de vue émotif, ce
récit est assez voisin de ce qu'on obtient ou devrait
obtenir avec de la musique...
C'est de la grande fresque, du populisme lyrique, du
communisme avec une âme, coquin donc, vivant... 700
pages de voyages à travers le monde, les hommes et la
nuit, et l'amour, l'amour surtout que je traque, abîme
et qui ressort de là, pénible, dégonflé, vaincu... Du
crime, du délire, du dostoïevskysme, il y a de tout dans
mon machin, pour s'instruire et pour s'amuser ". Et il
conclut : " C'est du pain pour un siècle entier de
littérature. C'est le prix Goncourt 1932 dans un
fauteuil pour l'Heureux éditeur qui saura retenir cette
œuvre sans pareille, ce moment capital de la nature
humaine... " (Les points de suspension sont de Céline).
Orgueil et dérision. "
(Céline, un cloaque pétri d'azur, blog nov. 2009).
* Jean FERRE (journaliste 1929-2006): Evoquant sa
première visite à Meudon : " Céline était aux prises avec un intrus, un
admirateur qui souhaitait obtenir une dédicace. Visiblement, Céline
hésitait. L'autre, bonne bouille éplorée présentait un vieil
exemplaire de
Voyage au bout de la nuit, en insistant - " il est
bien sale " - opposait Céline. Le brave homme crut bon d'argumenter : "
je l'ai acheté l'année même de sa publication, il date de 1932. J'en
garde la nostalgie... "
Alors Céline écrivit rageusement sur la page
poussiéreuse : " Nostalgie, piège à cons... " Et
Jean FERRE concluait ironiquement : " Vous
comprenez que je ne puisse plus entendre parler de
nostalgie sans qu'une voix intérieure n'articule les
trois mots suivants. "
(Le Figaro-Magazine, 17 mars
1990).
* Pierre FOGLIA (journaliste
d'opinion québécoise): " Que Louis-Ferdinand soit hélas
antisémite ne fait aucun doute. Ce n'est contesté par
personne ; 12 millions d'articles ont été écrits sur le
sujet. Alors qu'un ministre de la Culture s'en avise
soudainement, comme on s'avise d'avoir oublié le lait
sur le feu, est complètement ridicule. Ce ministre a
évidemment cédé aux pressions - celles de Sarkosy,
celles de l'avocat juif Serge Klarsfeld, grand chasseur
de nazis, président de l'Association des enfants
des déportés juifs français... et père d'Arno Klarsfeld,
proche de Sarkosy. Chaque polémique autour de
l'antisémitisme de Céline repose la même question :
peut-on être un grand écrivain et un parfait salaud ?
Personnellement, je ne trouve pas du tout que ce soit
une énigme. On peut être n'importe quoi et un parfait
salaud en même temps. Voulez-vous dire que vous ne lirez
plus jamais un auteur qui a déjà pogné le cul d'un petit
garçon, qui a déjà fait le salut hitlérien, qui a
approuvé les goulags de Staline, qui a battu sa femme ?
Alors vous ne lirez plus Aragon, Sartre, Cioran, Gide,
Tolstoï ? Qui allez-vous lire ? Sollers le maoïste ?
Lisez Céline. Pour le texte et pour la musique. Ne lisez
pas que Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit.
Lisez le sublime début D'un château l'autre.
Lisez Guignol's band ; lisez le dernier Féerie
pour une autre fois. Ne lisez pas Bagatelles pour
un massacre, c'est là-dedans qu'il est honteusement
antisémite, mais moi je vais quand même vous lire un
passage de Bagatelles, parce que c'est dans
Bagatelles, écrit avant 1940, qu'il annonce les
téléréalités des années 2000 dans ces quelques lignes
prophétiques... - " Comment le plus infime crétin, le
canard le plus rebutant, la plus désespérante donzelle
peuvent-ils se muer en dieux et déesses ? Recueillir
plus d'âmes en un jour que Jésus-Christ en 2000 ans ?
C'est que la foule à genoux a le goût du faux, de l'or
et de la merde, plus insignifiante est l'idole plus elle
a de chances de conquérir le cœur de la foule... "
Foule , tu peux bien haïr Louis-Ferdinand. Sache qu'il
te hait aussi, depuis longtemps. "
(Cyberpresse.ca, La littérature et la haine, 27 janvier 2011, site du
Petit Célinien).
* David FONTAINE
(journaliste au Canard enchaîné, [doctorant sur
le sujet] " Théorie et pratique de la langue chez Céline
", Université Paris IV) : " Réfute Henri Godard qui
affirme que Céline s'est " soigneusement tenu à
l'écart de toute collaboration officielle ". Et de
mentionner le voyage de médecine à Berlin en 1942 et sa
présence à Sigmaringen en... 1944. FONTAINE
signale aussi que " les chercheurs spécialistes de
l'écrivain ne réclamaient aucun hommage officiel ".
A l'appui de cette affirmation, il
cite André Derval, responsable du Fonds Céline à l'IMEC
et secrétaire de la SEC : " Après ce qu'il a écrit ou
fait avant et pendant la guerre, Céline n'a pas sa place
dans les commémorations officielles... "
(BC n°328, zizanie chez les céliniens, M.L.)
*
Jean FONTENOY
(journaliste, écrivain nationaliste 1899-1945): "
Collabora à L'Emancipation nationale, à
L'Insurgé, à Je
suis partout de 1937 à 1940. Il fut
l'organisateur, avec Fernand de Brinon, de la rencontre
Laval-Abetz en juillet 1940, pour devenir une des
figures majeures de la presse collaborationniste. Il
fonda La Vie nationale, puis l'hebdomadaire
Révolution nationale.
Le 27 août 1940, Céline lui adressa une lettre en
réaction à un article stigmatisant " le gouvernement de
la défaite ", qui rappelle les thèmes développés dans
Les Beaux draps : " Ce peuple clos, racorni, sans
folie, grimacier, sans cœur, tourne en rond sans sa
raison d'être : chier toujours de plus gros colombins.
La France n'est plus qu'un énorme concours de vidanges
(...) ". Ce texte fut repris dans La Vie nationale
en deuxième page le 31 août 1940. Un brouillon de lettre
datable du 29 septembre 1941 atteste de relations plus
suivies sous l'Occupation. FONTENOY donna un
compte-rendu élogieux de Guignol's band dans
Révolution nationale le 13 mai 1944, dont Céline
remercia Lucien Combelle. "
(Gaël Richard, Dictionnaire des personnages, Du Lérot 2008).
* Remo FORLANI
(journaliste, critique de cinéma): " Le théâtre se porte
plutôt bien mais il n'intéresse plus qu'une élite et
surtout, il est depuis plusieurs années quasiment
interdit de séjour à la télé. Que fait-elle pour le
théâtre ? Elle filme une fois par an des gens talentueux
remettant des statuettes à d'autres gens talentueux
parce qu'ils ont écrit, mis en scène ou interprété des
pièces qui ne passeront jamais à la télé.
A quand et sur quelle chaîne l'Eglise de Céline,
Mortadella, La servante maîtresse de Goldoni, Temps
contre temps... ? Suffirait d'une soirée théâtrale par
mois pour que les molières de l'année y passent tous.
Bonne idée, non ? "
(Bonne soirée, 21 avril 1993, dans B.C. n° 132,
sept. 1993).
* Max-Pol FOUCHET
(journaliste, écrivain, homme de télévision 1913-1980):
" (...) Giono et Céline ouvrent une école de
bonté. De bonté désespérée. Solitude de la pitié.
Les cœurs de ces deux hommes connaissent la sympathie et
l'amour. Dans une lettre qu'il m'écrivait Giono nommait
la sympathie " le sel du monde ". Mais la bonté est
douloureuse et Giono et Céline souffrent. Ayant la
souffrance, ils ont la profondeur et leurs œuvres sont
lourdes de signification. Ce sont des manuels d'amour.
Il faut lire Solitude de la pitié. Et puis cet
admirable passage du Voyage: le sergent Alcide se
dessèche sous le soleil tropical pour pouvoir nourrir
une petite nièce de France. Et Céline se lève dans la
nuit, écrasé par cet héroïsme inconscient, pour voir si
le sergent est fait comme les autres hommes et si aucun
signe distinctif ne le marque. Mais le visage est là,
quelconque, commun, sans plus et Céline dit : " Ce ne
serait pourtant pas si bête s'il y avait quelque chose
pour distinguer les bons des méchants ".
(Mensuel Non ! avril 1933, BC n°319, mai 2010).
*
Bruno FRAPPAT
(journaliste, directeur et éditorialiste au journal
La Croix): " La guerre dont, en 1930, il explique à
un correspondant: " Je ne m'en remettrai pas " et qui
lui a mis dans la mémoire " mille pages de
cauchemars
en réserve ". Comme si la guerre lui avait appris la vie
en même temps que la mort, l'ouvrant à l'horreur
définitive de l'humaine condition. Comme il l'écrira en
1934 à Elie Faure, c'est de cette terrible expérience
que vient sa seule conviction (elle est négative): " Je
suis anarchiste depuis toujours (...) je ne crois pas
aux hommes. " Et de là qu'il tirera aussi un " pacifisme
" si virulent qu'il l'aveuglera face au nazisme.
Et tout le reste s'ensuivrait. L'antisémitisme forcené,
maladif, pathologique, ignoble qui le hantera, même un
peu atténué après la Seconde Guerre mondiale. Un
antisémitisme à plusieurs entrées, si l'on ose dire, y
compris autobiographiques. Nommé dans un dispensaire
médical à Clichy, il finira par démissionner au bout de
dix ans, après la nomination d'un médecin chef juif, le
docteur Ichok, un Lituanien. Guerre mondiale, conflit
privé: " Ils sont aux commandes partout. " Aucune
culpabilité pour les horreurs répandues dans ses
pamphlets réédités en 1941 et 1943. Pas un mot de
compassion, jusqu'à sa mort. Pas une ligne de regret, de
remords, de reconnaissance d'une erreur sauf d'avoir cru
au " pacifisme " des hitlériens. " (Voyage au bout de
Céline, La Croix, 26 nov.2009).
* Camille-Marie GALIC (nom de
plume de Marie-Luce WACQUEZ, journaliste nationaliste,
directrice de
Rivarol) : " Je sens que ce que je vais écrire va me
valoir un cartel des amis Moudenc et Angelelli, mais
tant pis, il faut que je dise une bonne fois pour toutes
ce que j'ai sur le cœur : Céline me débecte. Il est pour
moi la quintessence du
faiseur de gauche. Oui, de gauche les jérémiades
continuelles, la main sur le cœur, bien crispée sur le
portefeuille, le côté " On ne m'a pas compris, je n'ai
jamais voulu cela " (du Jean Daniel craché), et cette
détermination d'apparaître partout et toujours comme
l'agneau du sacrifice, la victime expiatoire. " Le
salaud, Monsieur le Juge, c'est pas moi, c'est les
autres. "
(...) Mais que penser de l'anathème qu'il avait lancé
cette fois contre des martyrs authentiques ? - " Je ne
suis ni Laval ni Brasillach. Je suis le patriote à
L'ETAT PUR. " Un patriote qui avait tout de même
participé à maintes reprises, chez le Dr Epting,
directeur de l'Institut allemand, aux agapes si
aigrement reprochées aux autres commensaux, et qu'il
avait flétri en 1939, dans L'Ecole des cadavres.
" La victoire démocratique, la victoire des juifs : une
autre victoire comme 18, et c'est la fin, la ruée de
mille ghettos du monde sur ce qui reste de l'empire
franc. " Ce qui n'était, sans doute, pas mal vu, mais
valait largement certains articles ou libelles que mille
autres payèrent de leur vie car ils ne s'étaient pas
attirés l'indulgence de l'intelligentsia en foutant en
l'air la langue française. "
(BC n° 42, février 1986).
* Jean GALTIER-BOISSIERE
(journaliste, polémiste, écrivain 1891-1966): ...
L'extraordinaire lancement, le dédouanement subit de
Céline, écrivain maudit, a stupéfié Paris. C'est l'Express
(pourtant à direction israélite), qui attacha le grelot:
Jours de France et Match emboîtèrent le pas,
consacrant de nombreuses pages à l'ancien antisémite
prophète de malheur, au fameux réprouvé brusquement
pardonné ! S'agissait-il d'une orchestration - au tarif
de la publicité - signée Gallimard lequel,
un tantinet masochiste, veut bien se faire insulter à
longueur de colonne pourvu que çà rapporte gros, ou bien
les diverses feuilles, flairant un immense succès de
librairie, ont-elles simplement misé sur l'intérêt
journalistique d'une sensationnelle actualité littéraire
? Je l'ignore...
Mais le retournement de tendance
a été si impétueux que même les
impératives consignes de silence
du Figaro littéraire
se trouvèrent emportées et
qu'André Rousseaux, abandonnant
pour une fois Simone Weil et le
Père Teilhard de Chardin, eut
licence de déverser des flots de
bile sur le vieux "cheval de
retour", au nom des
résistants
en peau de lapin (j'appelle
ainsi les plaisantins qui
croient fermement avoir sauvé la
France en ciselant pendant
quatre ans des quatrains
vengeurs contre Goering et
Goebbels, qu'ils publiaient en
serrant les fesses, sous de faux
noms dans des libelles ultra
-confidentiels). Et le Rousseaux
d'écrire, littéralement écœuré:
" L'Histoire ne repasse pas les
plats, dit Céline, mais il y a
des banquets littéraires où l'on
repasse les vomissures. Nous
sommes servis. "
*
C'est un grand bonhomme qui disparaît, le plus puissant
et le plus original de notre époque, n'en déplaise à
certains cuistres distributeurs de certificats de bonne
conduite. La plupart des courriéristes qui font
habituellement suivre leurs articles nécrologiques de la
mention : " le défunt était Grand officier de la Légion
d'Honneur ", ont omis de rappeler que ce poilu de 1914
avait été décoré de la médaille militaire pour fait
d'arme ; et aussi qu'il avait tiré un an de prison à
Copenhague dans des conditions abominables.
Marqué par une jeunesse difficile, Céline fut
vraiment un enfant de malheur. Et la guigne le suivit
lorsqu'il se lança à trente-six ans dans la carrière
littéraire : alors que le prix Goncourt lui paraissait
assuré pour son Voyage au bout de la nuit, une
trahison de dernière heure le priva de sa couronne de
papier, attribuée à un médiocre dont tout le monde a
oublié le nom.
La vie de Céline, traqué par des ennemis
implacables, fut terriblement agitée. Je possède de lui
des lettres déchirantes qu'il m'envoyait de son exil au
Danemark. C'était un persécuté délirant mais aussi un
grand cœur et un écrivain apocalyptique. "
(Le Petit Crapouillot, août 1961, dans BC n°102, mars 1991).
*
Franz-Olivier GIESBERT : " On a aujourd'hui un
certain sentiment de vide, pas
seulement en France, car la crise actuelle n'est pas
seulement française, c'est une crise morale, une crise
d'identité que traversent tous les pays occidentaux...
finalement la social-démocratie n'est plus un modèle, le
communisme s'est effondré, l'ultra - libéralisme on n'y
croit plus beaucoup, il ya donc une espèce de crise
d'idéologie qui se double à mon avis d'une crise
culturelle. Où sont aujourd'hui les grands écrivains,
les grands artistes, les grands metteurs en scène ? Où
sont passés Hemingway, Céline, Proust, Thomas Mann ? "
(L'Optimiste, n°7 1er trimestre 1994).
* Edouard Balladur est un grand lecteur, qui
peut vous parler de Julien Green pendant des heures.
Récemment, il m'a appelé chez moi, à 7h45 du matin, il
m'a dit incidemment qu'il avait profité d'une insomnie
pour relire D'un château l'autre de Céline. C'est
tout lui : cet homme est un littéraire. " (Le Figaro,
dans B.C. n° 142, 1994).
*
Jean-Edern HALLIER
(écrivain, polémiste, pamphlétaire, journaliste,
1936-1997) :
" Dans l'Idiot international (novembre),
Jean-Edern HALLIER publie sur deux grandes pages son
Dictionnaire de la littérature française. Céline y a
sa place. Extrait : " La désinfection, c'est le thème de
toute son œuvre, à commencer par sa thèse de médecine
sur l'asepsie chez Semmelweis, méthode préventive contre
la putréfaction - comme le montre ensuite ses pamphlets,
L'Ecole des cadavres ou Les beaux draps.
Avec Bagatelles pour un massacre, après avoir
fait un stage dans l'immondice des hôpitaux russes,
c'est un carabin pathétique, enfermé dans une salle de
dissection.
Il
aurait pu être serbe, pour la purification ethnique. Il
aurait pu être turc, pour le génocide arménien,
américain pour l'indien, anglais pour l'Irlandais,
espagnol pour l'Inca, bavarois pour la Shoa.
Heureusement, il n'était que breton, c'est-à-dire doux
rêveur ménager qui voyait des araignées au plafond et
aussi des termites dans toutes les paperasses de l'état
civil universel (v. sa pièce de théâtre, L'Eglise)
"
(BC n°137, fév. 1994).
*
Dans
l'hebdomadaire " L'Idiot international " (18
octobre 1989), que dirige Jean-Edern HALLIER, un
extrait des
Beaux draps a été reproduit sous la mention "
interdit ". La réaction de Lucette Destouches fut
publiée le 25 :
" Je tiens, Monsieur, à vous faire part de ma profonde
irritation à la suite de la parution dans le dernier
numéro de votre hebdomadaire, d'un extrait des
Beaux draps. Vous n'ignorez sûrement pas que mon
mari, Louis-Ferdinand Céline, s'est toujours opposé à de
nouvelles éditions des pamphlets après les abominations
de la dernière guerre mondiale et ses désastreuses
conséquences. Il avait à une certaine époque ses raisons
pour les écrire et en d'autres ses raisons pour en
interdire la réédition. Comme je crois discerner en vous
une certaine admiration pour l'œuvre de mon mari, je
vous serais reconnaissante, à l'avenir, de respecter sa
volonté comme je la respecte moi-même. Croyez, Monsieur,
malgré ma vive protestation, à mes meilleurs sentiments.
"
* "
Voltaire ou Beaumarchais, Hugo ou Zola n'aurait jamais
bénéficié de l'invraisemblable réseau de complicités
journalistiques de BHL pour lancer son opération. Comme
disait Céline dans ses Entretiens avec le Professeur
Y : " Comme le chien va à la merde, la presse va au
faux avec un flair infaillible ".
(Le
Quotidien de Paris, 1er juin 1994).
* Nira HAREL
(journaliste, éditrice israélienne, directrice de Am
Oved) : " Nous avons décidé d'agir selon un critère
qui a déjà été
fixé par la rédaction, lors de débats semblables dans le
passé : nous sommes une maison d'édition et pas un
tribunal. Nous ne disqualifions pas les hommes,
seulement de mauvais livres. Nous étions conscients de
l'antisémitisme de l'auteur, mais en raison de notre
vive estime pour le livre et malgré notre répulsion pour
l'auteur, nous avons décidé de publier son livre.
Cela ne signifie pas que nous voulons mettre un trait
sur le passé, au contraire, nous publions nombre de
livres d'auteurs qui évoquent le souvenir de la Shoa,
simplement, nous ne faisons pas le lien entre le roman
et les prises de position de l'auteur. Notre discours
est littéraire, un point c'est tout. " (Haaretz,
Jérusalem, supplément hebdomadaire, 28 janvier 1994,
dans le BC n°139, avril 1994).
*
Karin HATKER (journaliste à La Toison d'Or,
hebdomadaire politique, artistique et littéraire
patronné par Léon Degrelle chef du mouvement rexiste) :
" A Sigmaringen... J'avais retrouvé une journaliste
parisienne de mes amies. Je m'enquis auprès
d'elle
pour savoir s'il était exact que l'écrivain
Louis-Ferdinand Céline officiait en tant que médecin de
la colonie française. Elle me répondit avec malice : "
Personne ne connaît Céline, mais demandez donc à voir le
Monsieur-au-chat. Tentez l'expérience ! " (...) Il
est là, vêtu comme tout le monde d'une
canadienne et, il n'y a que lui. Il porte un sac de
toile fermé par une tirette autour du cou d'un gros
chat. L'animal fixe les alentours d'un œil jaune et
inquiet. Il mange toute la ration de viande de Céline...
Céline parle : " Je ne peux pas travailler. Il me
faut au moins une table et une chaise. J'ai un lit et un
lavabo. J'ai besoin de me sentir à l'aise, et je ne peux
pas me sentir à l'aise dans un pays où je ne suis pas
venu de plein gré. Je suis venu ici parce que les
terroristes m'ont foutu la mitraillette au c... "
Madame Céline s'installe aux côtés de
l'écrivain. Elle a cet étrange profil courbe immortalisé par
Pisanello dans son portrait de Cécile de Gonzague, les
cheveux sont roulés autour du front trop vaste. Elle ouvre
son sac à provisions, et en sort du beurre pour,
parcimonieusement, améliorer les " stammessen ". Céline
parle : " Je suis un poète, moi, j'travaille pas pour le
bout de gras... J'écris quand j'ai quelque chose à dire. Je
n'ai pas besoin de me répéter, il y en a assez qui me
répètent... " Louis-Ferdinand Céline se lève d'un geste
lent, ménageant son bras mutilé au cours de cette guerre qui
devait être " la der des der... " Il enfile ses gants pendus
par une ficelle autour du cou. Je le vois s'éloigner dans la
neige, épaules courbes et lasses, portant le chat
soigneusement emballé dans son sac de toile. La neige
fraîche garde la trace des pas qui se perdent vers la
grand-rue... "
(texte retrouvé par un collectionneur et
publié à 100 ex. par les Ed. Au Bon Larron, 24 avril 1992,
dans une plaquette intitulée : Céline, Degrelle et quelques
autres à Sigmaringen, Année Céline 1992).
*
Jean HEROLD-PAQUIS
(journaliste radiophoniste connu pour ses chroniques
pro-allemandes sur Radio-Paris sous Vichy,
1912-1945): " Bien Chère Amie, / Mardi. Je reçois
à l'instant la fin des PAQUIS... Evidemment le
bougre m'a toujours détesté et était jaloux comme tous.
C'était un petit cabot délirant d'être monté si haut. Il
a été vite puni.(...) Je ne dois rien à personne - J'ai
fait à Sigmaringen de la médecine dans des conditions
que je crois très héroïques - il y a mille témoins -
(ceux de PAQUIS) sauf les chiens enragés comme
lui.
D'ailleurs il n'était
pas là, il était au Lac de Constance à se saoûler
et jouer aux cartes. Ragots de petit fou de micro,
furieux après vingt tentatives pour sauver sa peau
d'avoir fini par perdre. Idiot en tout - Tous ces gens
ont pris des traites sur ma personne d'autorité et sur
mes intentions. (...) Je n'ai pas de compte à rendre à
PAQUIS ni à personne. Aurais-je dû comme Darquier de
Pellepoix - faire rendre le Juif ? monter un journal
comme Lesca ? etc, etc... et Chateaubriant, autre
farceur ? - De toute cette effroyable histoire je me
sors la tête absolument haute - et vivant, de nature à
rétablir bien des vérités, et botter encore bien des
fesses - même celles du fantôme
PAQUIS - / Bien affectueusement. "
(Lettre à Marie
Canavaggia, lundi, 29 et 30 octobre 1945, Lettres
Pléiade,2009).
*
Gérard HOLTZ
(journaliste sportif, comédien) : " En 2001, invité du
Journal télévisé de 13 h sur France 2 présenté
par
Gérard HOLTZ, Fabrice Luchini vient parler de son
spectacle sur Céline.
Il est invité le jour où le manuscrit du Voyage au bout de la nuit
est mis en vente aux enchères. Luchini peut rêver de
l'acheter mais pas s'il dépasse 4 millions (de francs).
Au final les enchères ont atteint la somme de 11
millions de francs, soit 1 676 000 euros.
Dans le fil de l'interview Gérard HOLTZ est troublé au point d'en
oublier ses propres questions.
(youtube, 1 nov. 2011).
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